ANGLAISE

LITTÉRATURE ANGLAISE

ELIZABETH JANE HOWARD
Étés anglais
La saga des Cazalet, 1
Éditions Quai Voltaire (mars 2020)

Si vous voulez voyager dans le temps et dans l’espace, je vous propose : Étés anglais, La saga des Cazalet, 1.
Il y a du Downton Abbey là-dedans et du Jane Austen en même temps. Ce livre est le premier tome de cette saga (cinq volumes au total). Il nous raconte les affres d’une famille de la grande bourgeoisie britannique. Nous sommes en 1937, l’Angleterre espère encore que la guerre n’aura pas lieu, il faut profiter des derniers étés...
Tout commence par un bal : le clan Cazalet se réunit dans leur demeure élégante au cœur du Sussex auprès du patriarche et de sa femme. Toute la famille est là, tout est apparemment lisse et sans faille, esthétiquement magnifique et parfait, mais le vernis va vite craquer et c’est là que le livre prend son envol. Désirs, secrets, rêves, intimité, sont au rendez-vous de ce roman bouleversant et drôle à la fois qui vous propose une galerie de portraits exceptionnelle, une description remarquable de l'âme humaine et de ses failles. C’est un livre envoûtant que vous quitterez à regret à la fin de l’année 1938. Réjouissez-vous le deuxième volet arrive en octobre.

ANNA HOPE
Nos espérances 
Éditions Gallimard (mars 2020)

Si vous ne connaissez pas encore Anna Hope, si vous n’avez pas lu ses deux précédents ouvrages publiés également chez Gallimard, Le chagrin des vivants et La salle de bal, vous pouvez alors vous précipiter sur son dernier opus Nos espérances.

Lissa, Hannah et Cate, sont nées au temps de tous les possibles : contraception, avortement, faire des études, choisir de se marier ou pas, d’avoir un enfant ou pas ; elles se sont rencontrées très jeunes et vivent ensemble en 2004.
Elles partagent leurs peines, leurs déceptions mais également leurs joies, leurs histoires de cœur. Puis le temps passe et nous les retrouvons en 2010 : qu'est-il advenu de leurs rêves, de leurs espoirs ?

Lissa tente de devenir actrice, s'use à passer des castings humiliants et va d'échec en échec ; sa vie privée n'est pas mieux, elle vient d'être quittée par un acteur narcissique qui ne la rendait pas heureuse.

Hannah qui a réussi professionnellement, essaye désespérément d'avoir un enfant avec son époux, en vain.

Cate, quant à elle, traverse une crise existentielle et une dépression à la suite de la naissance de son fils.

Avec un roman de la perte des illusions, au sens narratif très fin, Anna Hope nous livre à nouveau un écrit d’une force romanesque remarquable.
En alternant les époques de son trio dans leur jeunesse et leur existence actuelle,  elle met d’autant plus en exergue, les déceptions, les malheurs, les tristesses, les trahisons : "il n’y a que des coups à prendre, il faut apprendre à les avaler ou attendre que le vent tourne."

Finalement Madame Hope nous parle de nous, de nos blessures de nos attentes, de notre besoin de consolation et s’intéresse avec maestria aux êtres à l'écorché, à leurs émotions, à leurs fêlures.
Un très beau livre délicat porté par un sens remarquable de la narration sur la vie et ses espoirs, mais surtout et avant tout sur la force de l'amitié, sur la féminité et la maternité.

"Car finalement vivre sa vie ça veut dire quoi, ça implique quoi ? Elle s’interroge avec nuance sur la bonne distance à avoir sur les faux espoirs et les rendez-vous manqués."

DAVID SZALAY
Turbulences
Éditions Albin Michel (février 2020)

Découverte d’un très joli petit livre : il y a deux ans déjà cet auteur nous avez ébloui avec Ce qu’est l’homme, roman finaliste du "Man Booker Prize", avec la même structure narrative que son dernier opus. David Szalay a un talent fou pour croquer des personnages coincés à un moment particulier de leur vie dans la souffrance, le questionnement, au bord du gouffre… la mort n’est jamais loin. Il nous revient avec un court roman fait de douze brefs "chapitres nouvelles", douze histoires, douze passagers solitaires qui se rejoignent par un fil rouge et un point commun : l’avion. Le temps d'un voyage, d'un trajet, ils sont plongés dans le tourbillon de la vie.

Turbulences est un roman choral, dans lequel l’auteur nous croque avec maestria chacun des personnages frappé dans sa vie par une épreuve ; avec peu de mots et à l’écorché, leurs souffrances se répondent et se font écho. Douze avions, douze continents, douze personnages, douze chapitres se relient entre eux, mais vous ne saurez pourquoi et comment qu’au dernier chapitre ; quel talent, qu’il est habile ce David Szalay : il nous mène par le bout du nez avec un talent inouï : un livre à part à lire absolument.

CATH STAINCLIFFE
Lettres à l'assassin de ma fille
Éditions Stéphane Marsan (octobre 2019)

Ruth divorcée, vit seule à Manchester non loin de sa fille, mariée à Jack et de sa petite fille Florence 4 ans. Soudain son gendre l’appelle pour lui annoncer que sa fille a été assassinée sauvagement dans leur maison. Le monde de Ruth vacille. Elle décide 4 ans après l’assassinat brutal de sa fille d’écrire à son meurtrier. Nous est ainsi livrée l’histoire de ce meurtre et du procès qui s'en suivit par la voix de Ruth. Si vous aimez les romans noirs sous haute tension, qui vous tiennent en haleine pour ne plus vous lâcher : ce roman est pour vous.

DIANA EVANS
Ordinary People
Éditions Globe (septembre 2019)

C’est un roman extraordinaire sur des gens ordinaires qui nous raconte l’histoire de deux couples de la classe moyenne noire londonienne à la recherche d’un deuxième souffle ; Diana Evans nous livre avec son troisième roman une œuvre terrible et juste, dont le titre est emprunté à John Legend : "We are just ordinary people, we don’t know which way to go"

L'auteure dit s'inspirer de Tolstoï et en particulier de Guerre et Paix, où Tolstoï s’était donné pour but d’observer la vie d’une catégorie sociale précise à un moment historique déterminé. Ici l’auteure remplace les aristocrates russes et la campagne de la Grande armée par des individus de notre temps, hommes et femmes de la classe moyenne britannique, immigrés de deuxième génération ; ce roman se déroule sur un lapse de temps très court entre l’élection de Barack Obama à la Maison-Blanche et la mort de Michael Jackson.

Le texte dissèque avec une minutie effrayante et redoutable la déliquescence du sentiment amoureux, le processus de désamour, la dépouille de la passion en suivant l’évolution parallèle de deux couples d’amis londoniens : Michael et Mélissa, Stéphanie et Damian. Ils ont tous les quatre la quarantaine et se trouvent à ce tournant de vie que Diana Evans décortique au scalpel avec beaucoup de talent ; elle se réfère à deux autres livres de la littérature américaine qui ont fait un travail similaire : La fenêtre panoramique de Richard Yates paru en 1961 et Un bonheur parfait de James Salter paru en 1975.
Les grandes différences qu’il y a avec ces deux œuvres sont d’une part la sensibilité particulière que l’écrivaine attache à chacun de ses personnages à qui elle donne la parole chacun à leur tour nous donnant le sentiment d’être dans leur petite voix intérieure et dans leur parcours si compliqué de déliquescence des sentiments amoureux ; la deuxième différence est la couleur de peau de ses protagonistes. 

Le livre au rythme cadencé comme une partition de musique, est ponctué de part en part de références musicales qui donnent l’impression des rythmes de battements d’un cœur ; vous y trouverez tour à tour Snoop Dogg, Faith Evans, Q-Tip, Kriss Kross, JAY-Z, etc. Ce livre est un must have et un must read.

Vous en sortirez sans avoir pu le lâcher une minute chamboulés et bouleversés. Avec cette chronique au scalpel de la vie conjugale, Diana Evans, nous invite à nous interroger sur nous, nos histoires et le cas échéant comment nous pourrions avec si peu de choses, d’attentions à l’autre, de gestes, d’écoute, peut-être, éviter tout cela ? 

ELIZABETH JANE HOWARD
Une saison à Hydra
Éditions Quai Voltaire (mars 2019)

À sa sortie, en 1959, "Une saison à Hydra" a été salué par les critiques pour sa beauté et son originalité. Il est très heureusement publié en ce début d'année 2019 par les éditions Quai Voltaire. 

Londres 1950, Emmanuel Joyce, auteur dramatique à succès vit entouré de son épouse Liliane, oisive et dépressive (elle ne se sera jamais remise de la mort de leur très jeune fille) et de son assistant Jimmy.
Ils cherchent la perle rare pour interpréter le rôle principal de la dernière pièce d'Emmanuel. Entre eux trois s'est tissé un nœud complexe de sentiments et une interdépendance qui explosera à l’occasion de l’arrivée d’Alberta dans leur vie. Elle deviendra la secrétaire d'Emmanuel puis l’actrice de son premier rôle.
 
On parle de désenchantement à quatre voix, de changements de caps et de visions dans notre vie, de ces moments où soudain, après de longs errements, tout s'ouvre et tout fait sens au prix de sacrifices et d'abandons nécessaires et vitaux pour l'accomplissement de nos destins.
 
Tout cela sera possible grâce à la pureté, la naïveté, l’intelligence et l'humour d’Alberta qui sera le révélateur pour chacun d’entre eux de leur destinées.
 
Ce roman qui se passe entre Londres, New York et Hydra est nourri par une écriture tout en nuances alliant un sens du détail, des descriptions remarquables, et des personnages très attachants.
 
Un vrai plaisir de lecture pour un roman dans la tradition du réalisme à l’anglaise avec une très belle démonstration d’acuité psychologique et de dialogues absolument brillants.

ALAN HOLLINGHURST
L’affaire Sparsholt
Éditions Albin Michel (août 2018)

Alan Hollinghurst a fait son entrée sur la scène littéraire avec le très remarqué "La piscine bibliothèque" puis avec le magnifique "La ligne de beauté", revendiquant son statut d’écrivain gay.

Avec ce nouvel opus il sort de ce champs réducteur pour nous prouver à nouveau, s’il en était besoin, que c’est tout simplement un très grand écrivain et l’un des plus grands auteurs anglais de notre époque.

Résumé :
En octobre 1940, David Sparsholt fait son entrée à Oxford. Athlète et rameur acharné, il semble d'abord ignorer la fascination qu'il exerce sur les autres - en particulier sur le solitaire et romantique Evert Dax, fils d'un célèbre romancier. Tandis que le Blitz fait rage à Londres, l'université d'Oxford apparaît comme un lieu hors du temps où les attirances secrètes s'expriment à la faveur de l'obscurité. Autour de David, des liens se tissent qui vont marquer les décennies à venir. 

Dans ce roman magistral, Alan Hollinghurst, dessine le portrait d'un groupe d'amis liés par la peinture, la littérature et l'amour à travers trois générations.

La scéne inaugurale du livre nous présente tous les personnages que l’auteur va mettre en place pour laisser se glisser David Sparsholt, qui donnera son titre au roman ;

Ladite "affaire" dont il sera le centre, bien que dans l’intrigue, ne joue pas un rôle si important ; elle sera le prétexte au tissage minutieux et brillant de liens denses et d’affects puissants, de désirs, de rapports de force, de sentiments de honte dont la suite du roman examinera subtilement l’évolution dans le temps et leur transformation d’une génération à la suivante.

L'écriture de facture très classique, allie avec maestria légèreté et densité ; si ce livre se mérite… un peu au début…, la fluidité de sa prose bien qu'exigeante vous permettra de découvrir un texte époustouflant.

Le roman se divise en cinq parties dont chacune parcourt une époque différente ; la petite histoire lui permet d’embrasser et de traverser le 20e siècle avec une intelligence et une agilité narratives rares ;

Il abordera les changements politiques et sociaux par le prisme du rapport à l’homosexualité en Angleterre, en nous renvoyant par un effet miroir une remarquable réflexion sur le temps et ses effets.

Extrait
"Il est difficile de faire honneur à d'anciens plaisirs qu'on ne peut ranimer : nous avons l'impression de nous déposséder de notre moi juvénile, qui les aimait et les chérissait." 

JULIAN BARNES
La seule histoire
Éditions Mercure de France (septembre 2018)

"Il n’y a que le dernier amour d’une femme qui satisfasse le premier amour d’un homme" Balzac, "La Duchesse de Langeais".
 
Il y a des choses que l’on oublie jamais. Tout commence 50 ans plus tôt dans une banlieue résidentielle de Londres.
Années 60, Paul a dix-neuf ans et s'ennuie un peu cet été-là, le dernier avant son départ à l'université. Au club de tennis local, il rencontre Susan - quarante-huit ans, mariée depuis 25 ans, deux grandes filles - avec qui il va disputer des parties en double. Susan est belle, charmante, chaleureuse. Il n'en faut pas davantage pour les rapprocher… un scandale. La passion ? Non, l'amour, le vrai, total et absolu, que les amants vivront d'abord clandestinement. Puis ils partent habiter à Londres et décident de vivre leur amour plutôt que de le rêver : Susan a un peu d'argent, Paul doit continuer ses études de droit. Le bonheur ? Oui. Enfin presque car, peu à peu, Paul va découvrir la fêlure de Susan, qu'elle a soigneusement dissimulée jusque-là : elle est alcoolique. Il l'aime, et ne veut pas la laisser seule avec ses démons. Il va tout tenter pour la sauver, combattre avec elle ce fléau et continuer à prendre soin d’elle vaille que vaille au fil des années . En vain... Mais lui, alors ? Sa jeunesse, les années qui passent et qui auraient dû être joyeuses, insouciantes ? Il a trente ans, puis trente et un, puis trente-deux. Vaut-il mieux avoir aimé et perdre ou ne jamais avoir aimé ? Une question dés la première page de ce livre en est le coeur et le condensé : "Préfériez -vous aimer davantage, ou aimer moins et moins souffrir ?" 
Paul va tenter de survivre à cette passion qui peu à peu se lézarde, s‘abîme et se fracasse sur le principe de réalité de la vie ; leur différence d’âge devient de plus en plus cruelle pour Suzanne qui sombre ; Ce livre qui commence sur un ton de légèreté nous dévoile petit à petit avec maestria les coulisses de plus en sombres de cette magnifique et bouleversante histoire d’amour.
C’est un magnifique mais terrible, roman sur l’usure du temps, la fidélité et l’amour qui ne veut renoncer.

Nous retrouvons ici le Julian Barnes de ses débuts à son meilleur ("le Perroquet de Flaubert" mais surtout "Une fille qui danse"… entre autres) et cela fait du bien ; c’est une oeuvre mélancolique qui serre le coeur et dont l’on ne revient pas tout à fait la (le) même.

Un roman beau à pleurer.
 
Extrait : 
"Un premier amour détermine une vie pour toujours : c'est ce que j'ai découvert au fil des ans. Il n'occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence. Il peut servir de modèle, ou de contre-exemple. Il peut éclipser les amours ultérieures ; d'un autre côté il peut les rendre plus faciles, meilleures. Mais parfois aussi, un premier amour cautérise le cœur, et tout ce qu'on pourra trouver ensuite, c'est une large cicatrice."
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