ITALIENNE

LITTÉRATURE ITALIENNE

LUCE D'ERAMO
Le détour
Éditions Le Tripode (février 2020)

Après les témoignages essentiels des survivants des camps de concentration que l’on connaît (Robert Antelme, Primo Levi, Elie Wiesel, Imre Kertesz, Charlotte Delbo…) voici un livre publié il y a 41 ans en Italie que les éditions du Tripode sortent de l'ombre pour notre grande chance de lecteurs. 
Voici le destin exceptionnel et extraordinaire de Luce d'Eramo.

Née en France de parents italiens en 1925, elle rentre en Italie en 1938 où elle deviendra étudiante.
En 1944 sa vie bascule. En conflit avec son père haut dignitaire fasciste, elle décide naïvement de s’engager de son propre gré dans les camps nazis de travail, les Lagers. Son père niant totalement la réalité de l'existence des camps de concentration et d'extermination, celle-ci décide de s'échapper à l'âge de 18 ans et d’aller y travailler comme volontaire afin de pouvoir témoigner de l'horreur et de la réalité des camps.
Elle reviendra après avoir traversé l’enfer un an plus tard en Italie en passant par les camps de travail, puis la prison, puis Dachau pour finalement,  après s'être échappée en toute clandestinité, arriver à Mayence : elle y sera victime d'un bombardement et restera paralysée des jambes et marquée à vie par ce qu’elle a vu et vécu en Allemagne.

Luce d'Eramo a mis 34 ans à écrire ce livre et à explorer et réécrire son passé.

Le récit à la première personne nous décrit l'univers des camps sous le contrôle plus ou moins strict des SS : les travailleurs volontaires, les prisonniers de guerre, les otages, les déserteurs, les prostituées, les homosexuels et les juifs avec une acuité et une précision effrayantes.

Dans une interview accordée à l'éditeur par la Professeure Corinne Lucas Fiorato en charge de cette nouvelle édition celle-ci exprime : "ce n'est pas une autobiographie, mais le roman d'un affrontement entre ses deux mémoires : sa mémoire personnelle, faite de souvenirs, de perceptions, de sensations... et sa mémoire historique, fixée par l'écriture avec ses conventions et ses codes"

"C'est un polar archéologique, le chantier de fouille d'une mémoire individuelle totalement impliquée dans une histoire collective"

MAGISTRAL : un livre d'une richesse exceptionnelle.
Un destin de femme hors du commun : une leçon de courage, de force et d'instinct de vie. Chapeau bas. 

FRANCESCA MELANDRI
Tous, sauf moi
Éditions Gallimard (mars 2019)

UN GRAND COUP DE CŒUR : UNE ŒUVRE MAGISTRALE 

2010, Rome. Ilaria, 40 ans trouve sur le seuil de sa porte un jeune éthiopien qui dit être à la recherche de son grand-père, Attilio Profeti lui-même père d'Ilaria. Le patriarche de la famille Profeti, 95 ans quand le livre débute, a eu une vie féconde et bien remplie : deux mariages, quatre enfants, et une réussite sociale remarquable. 
Cette rencontre avec son prétendu neveu, poussera Ilaria à creuser dans le passé de son père. Son enquête lui fera découvrir les secrets enfouis sur la jeunesse du patriarche.
L'auteur met en lumière tout un pan occulté de l'histoire italienne :
- la conquête et la colonisation de l'Éthiopie par les chemises noires de Mussolini, de 1936 à 1941 ;
- la violence, les massacres, le sort tragique des populations et, parfois, les liens qu'elles tissent avec certains colons italiens, comme le fut Attilio Profeti. 

Pourquoi lire ce livre ?
- Ce roman historique polyphonique d'une densité exceptionnelle tisse une trame romanesque vaste et remarquable et apporte un éclairage nouveau sur l'Italie actuelle et celle des années Berlusconi, dans ses rapports complexes avec la période fasciste ; 
- l'art narratif de l'auteur nous fait voyager dans le temps, d'une époque à l'autre, en nous narrant l'épopée d'une famille sur trois générations sans jamais nous perdre, bien au contraire en révélant de façon bouleversante et incroyablement documentée, les traces laissées par la colonisation dans nos sociétés contemporaines ; l'auteur nous tient en haleine de la première à la dernière page.

Profitez-en pour lire "Eva dort"du même auteur :
1397 km : Eva voyage en train depuis son Tyrol du Sud natal jusqu'en Calabre pour rendre visite à Vito, disparu de sa vie trop tôt. Durant ce trajet, c'est toute son enfance et l'histoire de sa mère Gerda qui défilent dans sa tête. Celle-ci, fille-mère, était parvenue à mener une prestigieuse carrière de chef cuisinière quand elle rencontra un sous-officier des carabiniers luttant contre le mouvement indépendantiste, Vito... 
Une fresque historique et familiale inoubliable, dressant aussi bien le portrait d'une mère exceptionnelle que celui d'une nation italienne à l'unité encore fragile.

STEFANO MASSINI
Les frères Lehman
Éditions Globe (septembre 2018)
 
CHOC : ATTENTION GRAND LIVRE.

Résumé : 
11 septembre 1844, apparition. Heyum Lehman arrive de Rimpar, Bavière, à New York. Il a perdu 8 kg en 45 jours de traversée. Il fait venir ses deux frères pour travailler avec lui. 15 septembre 2008, disparition. La banque Lehman Brothers fait faillite. Elle a vendu au monde coton, charbon, café, acier, pétrole, armes, tabac, télévisions, ordinateurs et illusions, pendant plus de 150 ans.
Comment passe-t-on du sens du petit commerce au grand monde de la finance ? Comment des pères inventent-ils un métier qu’aucun enfant ne peut comprendre ni rêver d’exercer ?
Grandeur et décadence, les Heureux et les Damnés, l'auteur nous raconte avec maestria ce qui est arrivé, par le récit détaillé de l’épopée familiale, économique et biblique au moyen d'une répétition poétique, comme une litanie prophétique toujours pleine d'un humour décalé.
 
Le dramaturge et romancier Stefano Massini a réécrit sa pièce de théâtre jouée avec succès de Milan à Broadway en passant par le théâtre du rond-point, et construit son récit autour de scènes qui nous font suivre plus d’un siècle de l’histoire de la banque Lehman du départ de Bavière sur un bateau pour l’Amérique en 1844 de l'aîné des Lehman, fils de marchands de détails à l’apogée à Wall Street jusqu’à la chute de 2008.
 
Ce roman est tout à la fois saga familiale, récit de l'intime, grand roman de l’histoire de la finance qui embrasse le 19e et le 20e siècle, et aussi un portrait saisissant de l’Amérique industrielle, d'une communauté des juifs venue d’Europe sans un sou en poche sur cette terre nouvelle du capitalisme qui façonne encore notre monde.
 
L’entreprise de l’auteur est démesurée et très ambitieuse tant sur la forme que sur le fond (864 pages et environ 30.000 vers). Ne vous arrêtez surtout pas à cela, vous passeriez à côté d'un très grand moment de lecture. Pour donner une ampleur extraordinaire à la reconstitution historique rigoureuse de ce livre, le vers, que l’on oublie quasiment immédiatement donne un rythme effréné au texte qui se révèle être une véritable épopée ; Nous sommes au galop et avides d'avancer toujours et encore plus loin dans ce livre tout à fait magistral et incontournable.

Critiques : 
"Stefano Massini invente une forme littéraire hybride, (…) il manipule différents tons, joue avec la chanson, l’inventaire, la transcription de vraies voix, pour rendre à nouveau sensible l’épopée dans le présent." - La Stampa

"Leur histoire est racontée à la manière de celle des Karamazov par Dostoïevski dans la seconde moitié du XIXe siècle, ou des Buddenbrook par Thomas Mann au début du XXe siècle." - La Repubblica
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