ORHAN PAMUK
La femme aux cheveux roux
Éditions Gallimard (2019)
Orhan Pamuk, est un amoureux d’Istanbul ; récompensé par le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre en 2006. Son style littéraire est un subtil mélange entre le monde arabo-musulman et l’Occident ; il décrit d’ailleurs lui-même son œuvre ainsi : "Chacun de mes livres est né d’idées volées sans honte aux expérimentations du roman occidental, mélangées avec les contes de la tradition islamique. Du contact de ces deux styles dangereusement assemblés naît une étincelle violente, éclectique, dadaïste."
Istanbul 1985, après le coup d’état militaire. Cem, fils unique vit seul avec sa mère. Abandonné par son père, celui-ci doit travailler pour se payer ses études universitaires. Le maître puisatier du village lui propose alors de le suivre sur un chantier ; malgré l’épuisement le soir, son maître lui fera découvrir de nombreuses et riches histoires légendaires.
Un rapport père fils se tissera ainsi, délicatement, remplaçant petit à petit la morsure terrible du père absent ; "Les liens du sens remplacent les liens du sang"
Cem et son maître prennent dès lors l'habitude de se rendre au village où une troupe de théâtre marxiste à dresser son chapiteau. Cem découvre l'alcool, le théâtre et l'amour avec une comédienne aux cheveux roux du double de son âge, dont il tombera follement amoureux ; mais un grave accident sur le chantier l’obligera à repartir seul pour Istanbul.
Nous le retrouverons à 45 ans toujours traumatisé des années après de ce qui s’est passé sur ce chantier ; il vit désormais à Istanbul et est heureusement marié à une femme aimée qui ne peut lui donner d’enfant.
Cem devra retourner sur le chantier pour trouver un sens à sa vie et se confronter à son passé.
"Nous pensons vivre notre vie mais nous sommes vaincus par elle"
Orhan Pamuk avec un talent de conteur inouï, a construit très habilement, un roman en trois parties, et nous fait évoluer entre le mythe d'Œdipe et celui des traditions ottomanes et perses ; nous sommes toujours sur une frontière ténue entre le bien et le mal ; articulant avec maestria les notions de liberté et de destin, l’auteur s’intéresse aux mythes d’hier dans la Turquie d’aujourd’hui.
"Nous pensons raconter des histoires mais nous sommes racontés par des histoires."
Roman tout à la fois de formation, philosophique, mélodramatique et mélancolique sur la recherche du père, de l'Amour, des valeurs perdues, de la quête d'identité, celui-ci se transforme avec beaucoup d’habileté en thriller et vous tient en haleine jusqu'à la dernière page.
C'est avant tout un très bel hommage à la relation père fils qui est le cœur de ce très beau roman, qui ne pourra vous laisser insensible.
Je vous invite à écouter un entretien passionnant entre Orhan Pamuk et Christophe Ono-dit-Biot :